Dans un quartier animé du Vieux Molenbeek, à deux pas de La Fonderie, se niche, le long de la rue de l’Éléphant, le Parc de La Fonderie. L’éléphant (molenbeekois) serait le surnom donné à la gigantesque et bruyante usine de fabrication mécanique Cail et Halot qui occupa le site au 19e siècle. Après la faillite, le site connut différentes fonctions, parfois étonnantes. Au début des années 1970, à l’image de la désindustrialisation qui meurtrit le quartier et ses habitants, il n’est plus qu’une friche. En 1991, grâce au collectif d’habitants et de travailleurs sociaux du Projet Fonderie qui revendique une revitalisation du quartier, le Parc de La Fonderie vient remplacer le terrain vague et offrir un espace vert et tranquille à la population environnante et aux passants.
Depuis l’année passée, les habitants du quartier se réunissent au mois de juin pour investir et fêter leur parc.
En 1839, l’entreprise Derosne et Cail (plus tard Cail et Halot) ouvre ses portes à Molenbeek. L’usine fabriquait des équipements pour sucreries, du matériel ferroviaire, des machines à vapeur… et était surnommée l'”éléphant” en raison de sa taille et du brondissement qui s’en échappait. Après la dissolution de la société Cail et Halot en 1900, le site connaît plusieurs occupations successives (savonnerie, atelier de décoration, chaudronnerie, refuge pour animaux, entrepôt de brasserie…) jusqu’à devenir une friche lorsque s’effondre l’industrie à Bruxelles. À Molenbeek, l’ancien petit Manchester belge, cette histoire est méconnue, mais elle est encore perceptible dans le paysage urbain, le tissu social et la démographie.
En 1905, le vaste site de l’usine fut coupé en deux par la rue de l’Éléphant. Les bâtiments de l’usine furent remplacés, d’un côté, par des immeubles d’habitation en 1978 et, de l’autre côté, par l’actuel Parc de La Fonderie en 1991. L’architecte paysagiste Luc Bazelmans a conçu le parc comme une évocation de l’architecture régulière des jardins français avec sa symétrie, ses lignes géométriques, ses compositions végétales sculpturales… Seuls le portail d’entrée d’origine et le mur d’enceinte de la rue de l’Éléphant ont été conservés et complétés par divers témoins du patrimoine industriel intégrés comme éléments décoratifs (socles, fontaines…) dans une commémoration post-moderne du site historique. Aujourd’hui, le Parc de La Fonderie baigne dans une atmosphère feutrée. Il offre un répit à l’agitation et à la densité de ce qui est redevenu l’un des quartiers résidentiels les plus industrialisés de Bruxelles.
La Fête de l’Éléphant donne l’occasion à des artistes d’interroger le site à partir de sa réalité socio-économique, historique, architecturale et naturelle. Elle est le produit de nombreuses utopies qui ont évolué en même temps que les contextes sociaux, économiques et culturels changeants et dont le caractère local peut être lié à des débats interculturels et transnationaux. Son indéniable rapport au temps permet également d’actualiser les pratiques mémorielles issues de la tradition du monument du 19e siècle et de les relier à des méthodes qui privilégient la participation et le dialogue. L’exposition est une invitation à réaliser des travaux dans les paramètres imprévus et simultanément surréglementés de l’espace public; à formuler des perspectives imaginées, spatiales, critiques et parfois même contrastées comme condition pour remettre en question le statu quo actuel. Cet espace post-industriel qui, au fil du temps, échappe de plus en plus aux désignations et aux fonctions imposées par l’organisme de contrôle, s’y prête bien.
Dans ce doute urbain, les œuvres d’art n’ont pas besoin d’être des propositions d’un avenir meilleur, elles peuvent chercher leur propre parallèle avec le présent. En reliant la notion de “public” au visiteur – un groupe hétérogène d’écoliers, de familles, de personnes âgées, de chiens, de joggeurs, de prétendants et de baigneurs qui se sont déjà appropriés l’espace et ne visitent peut-être pas littéralement les interventions artistiques temporaires, mais en font plutôt l’expérience en se déplaçant parmi elles – l’art, dans toute son autonomie, peut ajouter une narration indispensable. L’exposition ne se veut donc pas impérative, mais entraîne le parc dans une brève et énergique parenthèse où les gens se rencontrent par curiosité pour l’art et pour l’échange social.
Également au programme, des tours guidés, des ateliers pour petits et grands, des performances musicales, des repas conviviaux, des papotes et collectes audio de témoignages, des jeux, de la danse participative… par et pour les habitants et tous les promeneurs curieux.
Programme complet : http://www.fetedelelephant.be/